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changement.jpgApprofondir - Le lâcher-prise

 

 

                                                         " Lâcher prise " est devenu une expression très courante et constitue un objectif dans de nombreuses pratiques, en thérapie, ainsi que dans la recherche et le développement personnels. Un " marché " significatif se développe autour de cette notion " porteuse " et, à grand renfort de stages, séances, formations, par des techniques variées, verbales ou corporelles, ( respirations, méditations, relaxations, mantras, musicothérapies, expression corporelle, analyse, coaching, ... ), des voies d'accès au " lâcher-prise " sont largement proposées. Ces pratiques aboutissent effectivement à une détente, un relâchement mental et/ou corporel très appréciable et utile. Mais qu'en est-il du lâcher-prise ?

                                                           Les « énoncés du changement » apportent leur éclairage sur le sujet au moyen des  "Clefs du changement ".  Par exemple, mettre en application : " Je suis ce qui est. " ( é.126 ), conduira de fait au lâcher-prise. Pour accepter de ressentir soi en tout, et tout en soi, sans discrimination, et parvenir dans la fusion à se relier par la conscience à ce qui est et s'établir ainsi par-delà l'union dans l'unité, un authentique lâcher-prise est indispensable. Le lâcher-prise concerne en définitive tous les aspects de nos croyances habituelles sur nous-même, et ce que nous pensons savoir du monde. Abolir la distance entre le soi et le non-soi implique un lâcher-prise absolu, alors que dès le plus jeune âge les principes culturels et éducatifs, qui ont forgé les bases de ce que nous considérons comme une identité, nous ont conditionnés à une attitude inverse. Bien plus qu'une détente émotionnelle résultant d'une technique, le lâcher-prise semble donc relever d'un processus global d'acceptation d'une relation très différente au réel, permettant une toute autre gestion des réalités perçues. 

                                                           Or, chez les êtres humains, l'acceptation est une disposition mentale très particulière et fortement connotée, ce qui contribue à faire du lâcher-prise une opération délicate et souvent peu aisée. En effet, l'espèce humaine s'est caractérisée par sa capacité à survivre et se construire en s'imposant plus sur le principe du refus que sur celui de l'acceptation. La capacité à dire " non ", à titre individuel ou collectif, favorise l'affirmation de soi, permet de se différencier et de s'imposer, c'est un puissant vecteur de transformation des réalités vécues :

              - refuser de servir de proie conduit à apprendre à se protéger et à se défendre, puis à créer des polices et des armées ;

              - refuser d'avoir faim et froid conduit à apprendre à chasser, cueillir, cuisiner, conserver les aliments, aménager son habitat, confectionner des vêtements, domestiquer le feu, inventer des modes de chauffage et d'architecture ;

              - refuser de peiner conduit à imaginer et développer l'outillage et la technologie ;

              - refuser de se considérer inférieur conduit à la compétition, à la remise en question continuelle des limites, à la conquête : de territoires, de statuts, de parts de marchés, de pouvoir ... sans fin.

                                                            Ainsi, la possibilité de dire ''non'', érigée en facteur de progrès, se trouve très valorisée socialement et correspond, au terme de rites initiatiques divers couronnant l'achèvement de l'éducation, à un signe de maturité reconnu. Le " non " potentiel dont dispose un individu caractérise même sa situation dans la pyramide sociale. Un inférieur, un subalterne, un enfant, dans certaines cultures une femme, n'ont pas ou peu la possibilité de dire ''non''. Le ''non'', grand renforçateur d'ego, est donc un puissant organisateur de l'identité, c'est à dire : de la différenciation, comme en témoigne, dans le développement du jeune enfant,  la période d'opposition. En transposant cela sur le plan sociologique, on pourrait même penser que l'ensemble des sociétés humaines reste bloqué à ce stade infantile de développement, pour le moment. Or, si l'on comprend bien la nécessité d'élaborer des capacités de défense pour assurer la survie et l'avenir de l'espèce, si fragile à ses origines, on voit bien également à quels errements se trouvent conduites les sociétés par la systématisation d'une organisation pyramidale, du culte de la compétition effrénée, de la course au profit qui génèrent des contraintes sans cesse accrues pour elles-mêmes et l'environnement.

                                                            Inversement, dire ''oui'', accepter sont souvent perçus comme une faiblesse, une soumission, un renoncement, car cette attitude semble signer l'abandon d'un libre arbitre décisionnel sur ce qui pourrait advenir. Dans ce contexte, l'acceptation est assimilée culturellement à un abandon de pouvoir. De fait, on est souvent conduit ou contraint à accepter et on s'affirme rarement en disant " oui ". Présenter la question du lâcher-prise en terme d'acceptation, c'est donc soulever dans l'inconscient individuel et collectif la problématique du risque, jusqu'à la peur de l'anéantissement ; car fondamentalement dire ''oui'', c'est toujours prendre un risque, alors que le ''non'', le refus, semblent protéger et maintenir... en vie. Le lâcher-prise est finalement imposé par la mort, et tenir bon, refuser cette échéance semblent une attitude réflexe innée de sur-vie. Pourtant, la mort, qui certes met un terme à l'incarnation, signe également son accomplissement pour l'être incarné. Accepter ce qui est peut donc sembler insécurisant, c'est cependant dans l'acceptation que réside le lâcher-prise.

                                                            Partant eux-mêmes, ( ce qui peut sembler paradoxal ), d'un refus : celui de voir l'humain développer un seul axe de ses potentialités, par le mental, jusqu'à l'excès, à son propre péril et celui de la planète, « les énoncés du changement » prônent le lâcher-prise et la dissolution de l'ego. Ils présentent des pistes nouvelles ou négligées du potentiel humain et proposent de les explorer. L'acceptation, qui conduit au lâcher-prise, en est une. Que se passe-t-il si on lâche prise en acceptant ce qui est ? Provoque -t-on cet anéantissement tant redouté qui amena à stimuler le mental " pour s'en sortir " ? En fait, le lâcher-prise est une disposition mentale qui se manifeste à l'articulation d'un changement de plan : du plan du mental où se situe la réalité perçue, au plan de la conscience, où tout se trouve relié. Le basculement, en mettant en scène l'être intérieur, permet par l'accès à la conscience, de faire évoluer radicalement les dispositions mentales initiales, la perception des situations et leur gestion. Le moteur du processus, tant qu'il n'est pas intégré et devenu naturel, est bien souvent la souffrance, dont l'accumulation crée un point de rupture des résistances mentales. A ce stade, l'acceptation induit le dépassement. Cette situation est même mesurable scientifiquement car il se produit alors une sécrétion d'endorphines, et donc une sédation et un relâchement observables.

                                                            Lâcher-prise revient donc à traverser les réalités douloureuses, ou tout simplement la réalité perçue, par l'acceptation d'un changement de plan. Cependant cette acceptation ne résulte pas d'une volonté, d'un désir, d'une stratégie, mais d'une disposition d'ouverture du mental, qui permettra à l'être intérieur d'opérer le changement de plan. Apprendre à développer cette disposition d'ouverture constitue précisément l'objet des « énoncés du changement ». Il est clair que l'acceptation nécessaire au lâcher-prise ne concerne pas les apparences d'une réalité vécue en tant que telles, mais bel et bien, dans un mouvement intérieur, un changement de registre existentiel. ''Lâcher prise''' ne consiste donc pas à accepter avec fatalisme ce qui nous arrive dans une forme de renoncement ou de soumission, mais à accueillir un autre niveau d'information provenant du réel par la conscience. Il n'y a donc pas de risque à l'acceptation du lâcher-prise, mais au contraire un considérable enrichissement provenant de l'éclairage apporté par notre être, permettant une approche beaucoup plus efficace et sereine des situations.

                                                            Si la fin de vie et la souffrance sont devenues pratiquement les seules occasions d'expérimenter le lâcher-prise , tant le recours au mental est prégnant dans nos vies ordinaires, le champ d'application du lâcher-prise est beaucoup plus général et peut en fait concerner chaque instant. Le lâcher-prise de chaque instant consiste à ne pas s'en tenir aux seules perceptions du mental sur la réalité vécue, en s'ouvrant en permanence aux informations émanant de la conscience par le canal du ressenti.

                                                             Il résulte de cette attitude une transformation profonde de notre rapport au monde, qui peut en cela devenir un objectif majeur tant individuel que collectif, un organisateur fonctionnel du changement.


 

                           

                                                                                                                                 

                                                             

 


Date de création : 28/09/2013 @ 16:58
Dernière modification : 08/02/2015 @ 15:21
Catégorie : Approfondir
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 " Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. "  François Rabelais -Pantagruel-  

  " On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux. "  Antoine de Saint Exupéry -Le Petit Prince -   

" Il faut cultiver notre jardin. "  Voltaire - Candide -   

                       


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